J'ai rencontré un ancien prisonnier du stalag IX A de Ziegenhain
Après avoir découvert qu’Albert Plessis avait vécu au même stalag que Théo, j’ai sollicité un rendez-vous que j’ai immédiatement obtenu.
C’est à vélo que j’arrive au domicile d’Albert, à Avranches, le lundi 03 novembre dernier. Je le remercie, ainsi que son épouse Marcelle, pour avoir accepté de me recevoir. Albert me dit : « quand on est un ancien prisonnier, on doit savoir accueillir ».
Né en 1917, Albert a fêté ses 97 ans le 23 octobre. Je lui demande comment va sa santé. Il me répond en blaguant: « je vais bien, comme un petit jeune qui vient de boire son café ».
Albert et Théo ne se sont pas connus, mais ils ont tous deux vécu l’humiliation de la guerre en tant que prisonniers au stalag IX A de Ziegenhain.
Affecté au 39ème régiment d’infanterie à Rouen en 1938, Albert fut envoyé l’année suivante, sur son bon vouloir, à la Légion étrangère pour encadrer des Italiens, des Espagnols, des Allemands et des Polonais qui avaient fui le fascisme.
Il était stationné avec son groupe à Niévroz, dans l’Ain lorsqu’il fut appelé, le 06 juin 1940, pour aller au combat sur le Chemin des Dames. Peu de temps après son arrivée, son régiment se trouva encerclé par les Allemands à Vailly sur Aisne. Albert fut blessé en recevant une balle au talon alors qu’il gardait le pont enjambant la rivière nommée l’Aisne, aux abords de l’agglomération. Ne pouvant se relever, les Allemands menacèrent de l’abattre. Il se souviendra toujours d’avoir eu le pistolet sur la tempe. Un de ses camarades le prit sur son dos et l'éloigna du danger. L’ordre fut alors donné de le conduire à l’infirmerie la plus proche. C’est ainsi que deux soldats allemands le transportèrent sur leurs épaules après l’avoir allongé sur un support constitué de leurs deux fusils. Il fut emmené à l'hôpital de la caserne de Laon où il resta un peu plus de trois semaines.
De là, il fut envoyé en Allemagne où il travailla dans différents lieux et différents métiers : maçon, cultivateur, bucheron...
Suite à des problèmes de santé, il passa quelques jours à l’hôpital de Treysa puis, ensuite, il du se rendre à pied et en escorte au camp de Ziegenhain.
La convention de Genève exemptait les officiers et sous-officiers de travaux. Albert avait été nommé Sergent au combat mais il n’avait rien pour le prouver à son arrivée au stalag. Il fut contraint à vivre dans la clandestinité, caché dans l'infirmerie pour échapper aux travaux forcés. Ne figurant pas sur la liste des prisonniers, il était privé la ration de nourriture quotidienne. Il employait son temps à faire des caricatures qu’il échangeait discrètement avec ses camarades contre du pain et des victuailles.
Le temps passant, vivre en cachette devenait de plus en plus insupportable et surtout de plus en plus risqué. Albert décida d'aller rencontrer François Mitterrand, lui-même au stalag et responsable du fichier des prisonniers pour lui demander de l’aide, mais sa requête demeura sans suite.
Albert a toujours en sa possession, la plaque sur laquelle est gravé son numéro de matricule : 46 642. Sur les plaques de prisonniers, le numéro est gravé deux fois explique t’il : « ceux qui comme moi ont eu la chance de résister à cette terrible guerre sont revenus avec l’intégralité de la plaque. Pour ceux qui ont perdu la vie au combat, une partie de la plaque a été envoyée à la famille et l’autre est restée là où se trouve la sépulture ».
Albert a de nombreux souvenirs de Ziegenhain, dont un qui l'a profondément marqué: l’arrivée des soldats Russes au stalag en décembre 1941. « Les Allemands nous avaient fait rentrer dans nos baraquements en nous ordonnant de fermer les fenêtres car ils avaient honte en voyant ces Russes, avec des corps aux os saillants, arriver dans le camp. Ils ne voulaient pas que nos regards se tournent vers eux. Chaque matin, des prisonniers étaient chargés de déshabiller les Russes morts au cours des 24 heures précédentes, de les passer par la fenêtre, de les charger sur des chariots, de les conduire dans une forêt située à proximité et de les jeter dans une fosse commune ».
En septembre 1979, Albert et Marcelle ont refait, en voiture, le parcours effectué par Albert pendant sa captivité et ils se sont rendus sur les lieux des atrocités citées ci-dessus. Aujourd’hui, en évoquant ces moments douloureux, ils parlent du « pèlerinage du souvenir ».
Pacifiste convaincu, Albert a gravé ses souvenirs de prisonniers Russes amaigris en sculptant sur bois pour immortaliser la méchanceté humaine. Il a ainsi réalisé plus d'une centaine de statuettes. Une d’entre-elles est exposée au musée de Trutzhain et dédiée à l’horrifiante arrivée des soldats Russes au stalag IX A de Ziegenhain.
En conclusion de cet article, j’adresse mes remerciements à Albert et Marcelle, d’abord pour avoir accepté de témoigner et ensuite pour avoir accepté que leurs propos précis et poignants soient publiés.
Je les remercie enfin pour l’accueil cordial, chaleureux et amical qu’ils m’ont réservé.
Albert et Marcelle, je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année !
Jo
Nous les survivants, ne voulons pas que notre passé soit l'avenir de nos enfants.
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